Pas de sang dans la clairière
L.R Wright1986

Est-il de plus belles natures mortes que celles qui furent, d'abord, vivantes? Une mouette sur la plage à Vancouver, un raton laveur, une jeune inconnue, un gros chien gentil: ceux-là ont respiré, aimé, souffert peut-être avant de se changer en esquisses puis en portraits sous le crayon et le pinceau d'un étrange assassin dont on soupçonne que le film de chevet doit être «Psychose», de Hitchcock. C'est l'automne en Colombie britannique et le cadavre de femme découvert dans une clairière, à deux pas de l'autoroute, livre parcimonieusement ses secrets: elle était comédienne, du genre sans avenir, faisait du stop, parlait volontiers à tout le monde et recherchait un vieux copain, comme elle acteur de seconde zone. Est-ce lui qui l'a égorgée en lui chantant une berceuse? Une bibliothécaire et un brigadier de la police montée canadienne unissent leurs efforts pour résoudre cette énigme à la Ed McBain (vivacité, détails macabres, construction parfaite), sous la lumière à contrejour d'un Thomas De Quincey: de l'assassinat considéré, à la lettre, comme un des beaux-arts. Au Salon des indépendants du crime, Miss L. R. Wright accroche une toile hyperréaliste: «Pas de sang dans la clairière». Emotion et peinture. Au couteau.

Titre original : Sleep While I Sing (1994)