Gnep, l'enfant qui marche pour les autres
Denis Le Guillochet et Gnep Amelie Smoeun1994

Les anges ont des oublis. Ils font tomber du ciel des petits enfants et puis, sans réfléchir, les laissent avec les grands. Innocents, ces enfants poussent au milieu des coutumes, des arbres, de l'air, du pays où ils naissent. Quand ils tombent bien, tant mieux...Sinon, ils seront orphelins, violés, mutilés, bafoués, trahis, réduits en esclavage ou bien battus à mort. Au Cambodge, en 1970, Gnep a vu le jour à Phum Dong, petit village où les paysans vivaient en paix. Aujourd'hui, elle habite au bord de l'océan Atlantique, en pays breton, là où le vent prend son élan parfois depuis l'extrême nord de la Terre. Dans son village natal, où tous les jours passaient libres et limpides, parce qu'on savait y vivre en paix, des hommes en noir un jour ont surgi. Ils portaient un krama rouge et ils ont tué les enfants, les hommes et les femmes. Elle a voulu dire son mal, ses envies, son passé, tous ceux qu'elle aimait et qui sont morts à cause d'une guerre. Je lui dois aujourd'hui de savoir le prix que paient ceux qui nous arrivent de "là-bas". Là où ça n'est pas la démocratie. Enfant de l'un des cinq pays les plus riches du monde, je me suis fait prendre par la main par la petite cambodgienne qui sait la peur, la famine et la mort, la morsure des mines : le prix d'une guerre. Elle a parlé et moi j'ai écouté ce qu'elle n'avait jamais dit à personne. Je lui dois beaucoup.