Proust
Samuel Beckett1931

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Essai écrit en anglais en 1930. Première publication : Proust, Londres, Chatto and Windus, 1931.

« Au début de juin 1930, Samuel Beckett apprend, le jour même de la date limite fixée pour le dépôt des textes, qu'un concours pour le meilleur poème de moins de cent vers ayant pour sujet le temps a été proposé par Richard Aldington et Nancy Cunard, qui dirigent les éditions Hours Press à Paris. En quelques heures, il écrit Whoroscope, poème de quatre-vingt-dix-huit vers sur la vie de Descartes telle que la décrit Adrien Baillet en 1691. Il achève ce poème en pleine nuit, va le glisser dans la boîte à lettres de Nancy Cunard avant l'aube, et remporte le concours. Whoroscope sera publié en septembre 1930 sous la forme d'une plaquette ; c'est la première publication séparée d'une œuvre de Samuel Beckett.
Nancy Cunard et Richard Aldington, ayant appris qu'à Londres les éditions Chatto & Windus envisagent de publier une monographie sur Marcel Proust dans leur collection " Dolphin Books ”, proposent cette commande à Samuel Beckett, qui accepte. (…) Écrire un ouvrage sur Marcel Proust, c'est enfin l'occasion de faire de son attrait pour la littérature, de son goût pour la philosophie, de son amour de la poésie, une œuvre d'écrivain. (...) Proust est un acte de compréhension où se révèlent à la fois l'œuvre comprise et celui qui la comprend. À cette compréhension participe l'entendement tout entier, intellect, sensibilité, intuition et humour. L'humour intervient en particulier dans le style ; s'étant embarqué sur l'océan de la Recherche, Samuel Beckett laisse la houle bercer sa phrase au même rythme que celle de Marcel Proust : à la fois un clin d'œil et une manière de mieux comprendre celui dont il parle. Compréhension encore dans le choix que fait Samuel Beckett de traduire lui-même les citations de Proust bien qu'une traduction anglaise de Scott Moncrieff existe depuis 1922. Samuel Beckett se révèle déjà ici ce passeur de mots hors pair qu'on reconnaîtra unanimement plus tard.
On s'étonnera que Samuel Beckett, devenu l'auteur bicéphale que l'on sait, traducteur, re-créateur de ses propres œuvres dans l'une ou l'autre langue, n'ait pas traduit lui-même Proust en français. On a souvent dit qu'il reniait cette œuvre de jeunesse. En réalité, ce détachement à l'égard de son travail est constant chez lui. À peine l'ont elles quittées que ses œuvres lui deviennent embarrassantes : pages tournées, traces dans le vent des sables. Proust n'est donc pas le vilain canard de sa couvée. Tous les oisillons de Samuel Beckett se transforment vite à ses yeux en volatiles disgracieux, et combien n'a-t-il pas fallu d'efforts de persuasion à certains pour le ramener vers telle œuvre ancienne non publiée ou non encore traduite, telle autre œuvre qu'on lui demandait de mettre en scène longtemps après l'avoir écrite. Aussi lui est-il souvent arrivé, lorsqu'on évoquait Proust, d'en balayer d'un geste le souvenir, tel Krapp s'irritant à l'écoute des bandes enregistrées dans sa jeunesse et disant : " Difficile de croire que j'aie jamais été ce petit crétin. ” Mais Krapp n'est pas tout à fait dupe de son irritation : “ Enfin, peut-être qu'il avait raison ”, dit-il de lui-même et encore : “ Sinistres ces exhumations, mais je les trouve souvent (...) utiles avant de me lancer dans un nouveau ... (il hésite)... retour en arrière. ” Ce retour en arrière qu'impliquait la traduction de Proust, Samuel Beckett l'eût sans doute fait, comme il le fit pour Murphy, pour Watt et d'autres œuvres qu'il traduisit ou qui furent publiées longtemps après qu'il les eut écrites. Finalement, il ne refusait pas de regarder ainsi en arrière “ avec peut-être - je l'espère - quelque chose de mon vieux regard à venir ”. Mais la traduction de Proust en français présentait à ses yeux un obstacle majeur. C'est si peu une œuvre académique qu'elle ne comporte aucune référence pour les innombrables citations textuelles ou indirectes de la Recherche (pas davantage d'ailleurs pour les citations d'autres auteurs, de Sanctis, Calderon, Leopardi, Racine, Baudelaire, Hugo, etc., dont les noms mêmes ne figurent pas, sauf celui de Dante). À peine y a-t-il dans tout l'ouvrage six notes en bas de page ; encore sont-elles de comparaison, non de référence. Proust a été publié en de nombreuses langues, mais les citations de Marcel Proust sont chaque fois traduites à partir de la version qu'en donne Samuel Beckett. Il était bien entendu impossible de procéder de la même façon pour une traduction en français. Il fallait retrouver précisément toutes les citations, souvent allusives, dans l'œuvre de Marcel Proust afin de restituer le texte de celui-ci. Samuel Beckett ne voulait pas se lancer dans ce travail de reconstitution ; et nous étions nombreux à estimer qu'il avait en effet mieux à faire. »

Extrait de la présentation d'Edith Fournier

1 édition pour ce livre

1990 Editions de Minuit

Française Langue française | 128 pages | ISBN : 9782707313577

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