Krondor, hors-série : Le Messager
Raymond E. Feist2005

Le vent fouettait les arbres.

Leurs branches oscillaient et craquaient, protestant contre les rafales qui envoyaient voler au loin les dernières feuilles brunes de l’automne. Les pins et les sapins agitaient eux aussi leurs ramures chargées d’aiguilles, produisant un son étouffé et désolé, annonciateur des longues nuits d’hiver et des jours froids qui approchaient à grands pas.

À l’extérieur des tentes de commandement, les soldats se blottissaient autour de leurs feux de camp. La neige n’aurait pas dû tomber avant plusieurs semaines, mais les natifs des environs sentaient qu’ils allaient avoir un hiver précoce. Le froid s’insinuait tel un couteau de glace à travers la veste matelassée qu’ils portaient par-dessus leur uniforme. Des soldats qui avaient enfilé tous leurs sous-vêtements de rechange ainsi que deux ou trois paires de chaussettes – ce qui les avait obligés à forcer pour entrer dans leurs bottes – se plaignaient encore d’avoir les orteils engourdis s’ils se mouillaient les pieds. Les gens du coin savaient que l’hiver allait être rude. Beaucoup tournaient leur regard vers le ciel dans l’attente des premiers flocons qui ne tarderaient sûrement pas à tomber. Cette année, la saison froide arriverait de bonne heure, serait extrêmement rigoureuse et s’attarderait trop longtemps.

Les contreforts des Tours Grises se montraient rarement cléments envers les imprudents qui se faisaient surprendre par un brusque changement de temps. Les soldats du royaume des Isles étaient équipés pour faire face à tout sauf à la plus terrible des saisons. Lorsque l’hiver se déchaînerait, ils espéraient être de retour dans les cités de la province de Yabon, cantonnés dans leur baraquement ou leur foyer, bien au chaud devant la cheminée et abrités de la neige qui s’entasserait sous leurs fenêtres. Mais les vétérans les plus aguerris savaient qu’à moins que le climat ne se radoucisse, les colonnes de soldats qui ne tarderaient pas à quitter le front marcheraient avec de la neige jusqu’aux cuisses avant d’arriver à LaMut, Ylith et Yabon. Certains blessés qui auraient réussi à rentrer chez eux en temps normal ne survivraient sans doute pas à un tel voyage

Titre original : The Messenger (2003)